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DETCHENOU

 

Je poste ce document de ANTOINE DETCHENOU sur Benin-Témoignages  parce qu'il est un témoignage d'une grande valeur historique et humaine.Monsieur  Antoine DETCHENOU a accompli un devoir  pour permettre à ceux qui veulent se cultiver, de connaître une partie de l'histoire de notre pays.Aujourd'hui , aucun Béninois  n'a la conviction profonde d'être dans un pays.Le Bénin  apparaît comme  une juxtaposition de régions au lieu d'être un pays. Même aujourd'hui les comportements irrationnels des membres du gouvernement  ne  sont pas de nature à nous préserver de catastrophes futures.Depuis plus de cinquante ans, tous les dirigeants ont  travaillé  carrément et régulièrement à l'arriération du pays.Il faut changer de vision,  d'objectif et de méthode.

 

 

Pour l'HISTOIRE : Le Roman Crépusculaire de Chabi Kao : Antoine Robert DETCHENOU Répond et Fait la Lumière

 

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Le Canard du Nord, dans son numéro 190 paru le 26 Octobre 2011, a rendu publique la conférence tenue un an auparavant par Pascal CHABI KAO et dans laquelle il a fait, selon le journaliste, de « troublantes révélations «Pourquoi avoir attendu une année pour rendre public ce « récit exclusif » ? Secret des dieux.

 

J'ai lu et relu ces prétendues révélations, et j'ai décidé de répondre à Pascal CHABI KAO, puisqu'il prend à témoins les « collaborateurs d'AHOMADEGBE qui sont encore là ».

 

Dieu merci même si beaucoup sont morts, moi je suis encore vivant pour répondre à Pascal CHABI KAO, avec conviction et passion, dans la vérité et la fidélité à l'histoire.

 

Mais, pour être clair, je n'adopterai pas la démarche de CHABI KAO. Le texte de sa Conférence que nous avons sous les yeux est un texte confus et incohérent. Il n'est ni composé, ni structuré ; il n'y a aucune suite logique. Il faut démêler cet écheveau d'anachronismes, de fourre-tout, pour voir clair dans ce brouillage de l'histoire délibérément voulu par l'auteur. Je suivrai le fil de l'histoire de cette période telle que l'ont connue les témoins de l'époque. Je distingue donc les deux grands moments où s'inscrit l'exposé de CHABI KAO :

 

*    1er temps : Mai 1970-Mai 1972 

 

*    2ème temps : de Mai 1972 au coup d'état du 26 Octobre 1972


PREMIERE PARTIE

 

Mai 1970 - Mai 1972

 

II correspond à la présidence de Maga qui prend fin le 8 Mai 1972 avec l'avènement du Président AHOMADEGBE.

 

Pendant toute la présidence de MAGA, AHOMADEGBE a été un loyal collaborateur à qui MAGA confiait de grands dossiers : dossier de la décentralisation, dossier Akossombo, beaucoup d'intérim avec des instances à traiter.

 

Alors, une première question à CHABIKAO : son affirmation solennelle initiale niant l'affaire COVACS et y trouvant un montage politique pour renverser AHOMADEGBE se situe quand ? Dans la première période, c'est-à-dire avant Mai 1972, ou après Mai 1972. Raisonnablement, cela ne pouvait se situer qu'après le 8 Mai 1972. Or, toute la démonstration de CHABI KAO sur le refus d'AHOMADÉGBÉ de renoncer à son tour de présidence nous ramène avant le 8 Mai 1972. CHABI KAO affirme : « Quand le tour du Président AHOMADEGBE approchait, qu'il devait prendre le pouvoir, tous les services de renseignement ont dit partout qu'ils ont raison de croire que le Président AHOMADEGBE, s'il prenait le pouvoir, il y aurait un coup d'état, défaire en sorte qu'il renonce à son tour. » Les informations des services de renseignement ? Un bluff.

 

La vérité toute simple, c'est que l'équipe de MAGA, et MAGA lui-même en tête, ne voulaient pas partir et céder la place.

 

Ainsi donc, toute l'équipe de MAGA, et MAGA lui-même, pas de vulgaires comparses, ont entrepris AHOMADEGBE pour lui faire renoncer à son tour de présidence, le considérant, le moins qu'on puisse dire comme un avorton. Deux preuves de cette tentative. La première est la démarche personnelle du Président MAGA auprès de Jacques Foccart (voir Annexe 3). C'est Foccart lui-même qui le dit dans ses mémoires. La deuxième démarche, c'est l'intervention de MAGA auprès du Président BONGO. Entrepris donc par le Président MAGA pour que AHOMADÉGBÉ renonce à son tour, le Président BONGO a décidé d'envoyer son avion chercher AHOMADÉGBÉ. La veille de ce départ pour Libreville, vers 15 heures, le Président AHOMADÉGBÉ a réuni autour de lui, sous la paillote du Petit Palais, quelques amis politiques : les ministres LOZÈS Gabriel, AHOUANSOU Karl, DOSSOU-YOVO Edmond, PAOLETTI Théophile ; Emile POISSON et Gustave GOUDJO ont-ils pris part à cette réunion ? Je ne peux le dire, là, ma mémoire a flanché. J'étais aussi de la partie. L'objet de la réunion n'a été révélé qu'au début de la séance. Tour à tour, les ministres ont pris la parole pour accepter ce déplacement du Président quand bien même deux d'entre eux ont manifesté quelques réserves.

 

J'étais outré par cette position des ministres. Je bouillonnais littéralement. Alors, le Président AHOMADÉGBÉ me regarda et dit « le jeune homme ne semble pas content. ». Je ne l'ai pas laissé achever, j'ai répondu : « oui Président, pas content, pas du tout content ». Et alors avec force et conviction, comme si j'avais autorité, j'ai dit : « Président, vous n'irez pas à Libreville. C'est non et non. Vous n'irez pas à Libreville pour deux raisons. Qu'irez-vous faire là-bas ? Aller jusque dans le bureau de BONGO lui dire que vous ne renoncerez pas à votre tour ? C'est jouer à la provocation, et ceci, à l'étranger. Et puis on vous envoie un avion où vous serez seul à bord. En a-t-on mesuré tous les risques ? J'ai conclu en martelant, Président, vous n'irez pas à Libreville demain. » Ce fut comme un coup d'État. Il se fit un profond silence. Et le Président trancha. Le « jeune homme » a raison « je n'irai pas à Libreville et j'informe sur-le-champ MAGA »

 

CHABI KAO évoque la tentative d'une délégation, restée anonyme, qui ayant rencontré le Président AHOMADÉGBÉ lui aurait dit « Si c'est de l'argent que ça rapporte, nous sommes prêts à te donner cet argent là pour que tu renonces. » Je ne sais quelle est cette délégation qui a eu cette impudence et cette indécence de vouloir corrompre AHOMADÉGBÉ. AHOMADÉGBÉ n'est certes pas un dragon de vertu, mais son rapport à l'argent est légendaire ; jamais, il n'a été séduit par l'argent, surtout l'argent sale de la corruption ; AHOMADÉGBÉ est l'homme d'une époque, c'est l'homme d'un idéal pour qui l'argent n'est pas la valeur suprême.

 

CHABI KAO évoque une autre raison pour expliquer le refus d'AHOMADÉGBÉ de renoncer à son tour de présidence. Il affirme « AHOMADÉGBÉ a refusé. Toute son équipe a refusé parce qu'ils ont dit que les fils d'autres régions ont porté le « grand collier » et qu'il faut aussi qu'un HOUEGBADJAVI porte aussi ce grand collier même s'il doit mourir trois jours après ». Expliquer le refus d'AHOMADÉGBÉ par l'honneur dérisoire et fugace de porter ce grand collier que, du reste un autre HOUEGBADJAVI, le général Christophe SOGLO a déjà porté, expliquer donc le refus d'AHOMADÉGBÉ par le désir de porter ce grand collier, c'est n'avoir rien compris des motivations d'AHOMADÉGBÉ.

 

Je vais évoquer ces motivations et voudrais le faire sans bégayer, sans aucune restriction mentale, sans crainte d'aucune accusation régionaliste. Deux motivations fondamentales.

 

*    La première la voici. A la bourse des valeurs politiques, intellectuelles, morales, humaines, qui d'AHOMADEGBE et de MAGA a la côte la plus élevée ? C'est incontestablement AHOMADÉGBÉ. On y verra le parti-pris d'un partisan, d'un zélateur. Mais le Dahoméen d'hier, le Béninois d'aujourd'hui, s'il est de bonne foi, ne me contredira pas. Alors au nom de quelle logique veut-on que le meilleur cède la place au moins bon. Régression ou progrès ? Qu'on me le dise.

 

 

 

*    La seconde raison tient de l'histoire et de la culture qui ont façonné AHOMADÉGBÉ. Un adage fon dit : « On n 'arrache pas « c 'est à moi » aux enfants ». Oui, AHOMADÉGBÉ est cet enfant, propriétaire d'un bien dont il ne veut pas qu'on le dépouille. Car au commencement, il y avait Tado, du Mono à Kétou ; le commandement appartient aux héritiers de Tado. C 'est leur bien. On ne peut les en dépouiller. Un héritier de Tado, qu'il soit d'Abomey ou de Porto-Novo qui est conscient de son histoire, ne peut se laisser vassaliser, comme ces avortons d'aujourd'hui, qui, oublieux de leur histoire, sans enracinement culturel, s'empressent de saisir la première main qui leur est tendue. Ceux qui seront tentés de contester ces affirmations, qu'ils se rappellent le pouvoir de KÉRÉKOU, comme celui d'aujourd'hui de YAYI Boni. Pourquoi ces hommes au pouvoir recourent-ils tant aux Aboméens, plutôt à la racaille Aboméenne, à ces hommes de pacotille dont le ventre est la donnée principale, pour se donner un semblant d'assise populaire ? AHOMADÉGBÉ n'est pas de cette semence-là. Il sait ce qui fait la grandeur de son pays, et le devoir que cela impose. C'est en me souvenant de beaucoup d'entretiens que j'ai eus avec lui à ce sujet que j'écrivais, dans l'oraison funèbre prononcée le 27 Avril 2002, à Goho, « La merveille réalisée ici sur ce plateau d'Abomey, c'est cette fusion ethnique, culturelle qui fait qu'aujourd'hui encore plus qu'hier, Abomey constitue un peuple uni, parlant une langue une, communiant à une tradition culturelle née d'une histoire une... C'est dans le terreau de la culture aboméenne dont il est pétri qu'il a puisé un certain sens de la grandeur... » Quand une semence a germé sur ce terreau là, elle devient un fruit du genre d'AHOMADÉGBÉ : un sens aigu de la dignité de son peuple, le sentiment profond d'être le témoin d'une histoire partagée avec tous les héritiers de Tado, la certitude humble qu'on « n 'arrache pas « c 'est à moi » aux enfants ».

 

Il faut descendre à cette profondeur pour comprendre le refus d'AHOMADÉGBÉ de renoncer à son tour de présidence. Décidément, AHOMADÉGBÉ n'est pas un avorton de politicien. Il n'est pas de la race de ces opportunistes, affamés et prétentieux qui frétillent autour d'un maître dont ils chantent sans pudeur les louanges, pour se plaindre en secret, devant leurs amis, des avanies de leur allégeance au monarque expert en saute d'humeur, en coup de gueule, en voltige politique indécent.

 

Toutes ces tentatives pour amener le Président AHOMADÉGBÉ à renoncer à son tour de présidence posent un grave problème de morale, d'éthique politique. Les Présidents APITHY, AHOMADÉGBÉ et MAGA ont conclu, à Savè, un accord créant le Conseil Présidentiel. Ils en ont fixé les règles. Alors, mon cher Pascal, l'équipe MAGA, toute l'équipe et MAGA en tête sont-ils fondés à vouloir conserver le pouvoir en demandant à AHOMADÉGBÉ de renoncer à son tour de Présidence ? Pourquoi MAGA et les siens ont-ils délibérément entrepris de violer l'accord conclu et de prendre des libertés vis-à-vis de l'éthique politique ? Car la politique, quand on ne la considère pas comme un passe-temps de voyous et d'arrivistes, quand on la prend au sérieux et elle est sérieuse et du reste cruelle, oui la politique, pour des gens qui se respectent, exige une certaine éthique, c'est-à-dire « un ensemble de valeurs et de normes, véhiculées par les institutions, soutenues par les mœurs nationales, fondées sur une certaine tradition historique ». Quand il rentre en politique, « l'individu moderne se trouve informé par une multitude de références pour sa conduite et son comportement et c'est cela l'éthique. Cette éthique est reçue à travers l'éducation, mais aussi tout bonnement dans l'exercice de la vie commune marquée par des habitudes, des coutumes, des façons de vivre, tout autant que dans les liens tissés par le droit que personne n'a intérêt à ignorer, quelles que soient ses options philosophiques ou religieuses ».

 

Oui, l'équipe MAGA a ignoré cette éthique, l'a foulée au pied et malheureusement a rouvert cette boîte de Pandore d'où se sont échappés depuis les maux graves qui minent aujourd'hui plus qu'hier notre Pays. Plus aucune éthique aujourd'hui qui régule la vie politique. La conduite de l'équipe MAGA, animée par CHABI KAO a fait école, a élu droit de cité dans la politique aujourd'hui, a fait des émules. On se permet tout aujourd'hui : les trahisons, la falsification du langage, le nomadisme politique baptisé transhumance, le vol à grande échelle de haut en bas de l'échelle sociale. Quel lourd héritage avez-vous laissé à ce Pays, mon cher Pascal ?

 

Délibérément, je passe sous silence la mutinerie du 13 Février 1972 qui devrait être le coup de grâce servi à AHOMADÉGBE pour l'empêcher de prendre son tour de présidence. Le colonel en retraite, Lucien GBOHAÏDA GLÈLÈ qui a dirigé cette mutinerie s'est expliqué là-dessus. Il n'y a donc plus rien à redire sinon que cette mutinerie, contrairement à l'affirmation de CHABI KAO « Et ça durait plus d'une semaine que le camp militaire a été pris en otage par KOUANDÉTÉ et tous les officiers », cette mutinerie n'a pas duré plus d'une journée. Commencée dans la nuit du 12 au 13 Février, elle s'achevait vers 20 heures le 13 Février, donc le même jour.

 

Par ailleurs, CHABI KAO évoque une empoignade dans les escaliers de la Présidence entre AHOMADÉGBE et KOUANDÉTÉ. Seul CHABI KAO, faiseur de prodiges, a été témoin de cette scène.

 

AHOMADÉGBE était toujours accompagné d'un garde-corps. Où était-il ce dernier au moment de cette empoignade et altercation ? Quel crédit accorder à ce fait dont jamais AHOMADÉGBE n'a parlé, ni aucun des garde-corps qui l'accompagnent et que révèle le seul CHABI KAO ?

 

 

 

DEUXIEME PARTIE

 

08 Mai 1972 - 26 Octobre 1972

 

Dans la première partie de notre réponse à Pascal CHABI KAO, nous avons essentiellement parlé des tentatives faites car l'équipe MAGA pour amener le Président AHOMADÉGBE à renoncer à son tour de présidence conformément à la Charte du Conseil Présidentiel. Nous avons mis l'accent sur les preuves de ces tentatives, nous avons mis en lumière la signification du refus d'AHOMADÉGBÉ, et nous avons souligné l'immoralité de toute la démarche de l'équipe MAGA, du moins ceux qui en étaient les auteurs les plus actifs.

 

Dans la deuxième partie de notre réponse, qui couvre la période allant du 8 Mai 1972 au 26 Octobre 1972, nous allons aborder le reste du contenu de la conférence de Pascal CHABI KAO. Nous n'allons pas suivre la démarche chaotique de l'exposé de CHABI KAO, dans un souci d'ordre et pour éviter, encore une fois, la confusion d'un exposé décousu et incohérent. Car le texte offert à notre lecture par Le Canard Du Nord est un texte qui n'est ni composé, ni structuré. A la décharge du journaliste et de CHABI KAO, il faut reconnaître qu'il s'agit d'un exposé oral, qui repose beaucoup plus sur une association d'idées jaillies au hasard, qu'un ensemble construit, logique avec de la suite dans les idées. De cet ensemble confus et incohérent, retenons quelques points qui alimenteront notre réponse.

 

*    L'affirmation faite par CHABI KAO, d'entrée de jeu, qu'il n'y a pas d'affaire COVACS et que ce qu'il est convenu d'appeler ainsi n'est qu'un « montage politique que nous avons mis en place pour renverser le Président AHOMADÉGBE (ce qui suppose que le Président AHOMADÉGBE était Président en exercice) » ;

 

*    La perspective d'une guerre civile entre le Nord et le Sud

 

La décision d'AHOMADÉGBÉ de faire exécuter les mutins du 13 Février 1972.

 

*    La rencontre d'AHOMADÉGBÉ avec les « 3A » et la demande qu'AHOMADÉGBÉ a faite de mettre les « KAÏ- KAÏ » hors d'état de nuire.

 

*    Le coup d'état du 26 Octobre 1972

 

II y a les faits divers qu'il faut passer sous silence pour ne pas laisser l'accessoire envahir l'essentiel. Ainsi, le témoignage dont parle CHABI KAO d'Albert OUASSA. Ce dernier, à la sortie d'une messe anticipée d'un Samedi de Novembre 2011, nous a dit : « Je n'ai rien entrepris avec CHABI KAO. D'ailleurs, on ne s'est jamais entendu et on se parlait à peine. CHABI KAO est un menteur, traitez-le comme tel. ». En pages 6 et 7 du fameux Canard Du Nord, CHABI KAO affirme : « j'ai dit à OUASSA Albert, il est là, qu'on lui pose la question, ... et j'ai dit à OUASSA de m'accompagner chez KERÉKOU... ». Plus loin à la page 7, CHABI KAO dit : « Le dimanche de Pentecôte, j'ai mis OUASSA à bord de ma voiture. ». Parole d'un mythomane en mal de témoignage.

 

Une autre affirmation de CHABI KAO qui met au grand jour sa mythomanie. Il dit : «APITHY lui, c'est l'ami des militaires. C'est lui qui est derrière tous les coups d'état militaires. ». Quelle preuve CHABI KAO peut-il apporter de la participation d'APITHY aux coups d'État militaires ? Tout ceci est le fruit de l'imagination débridée de CHABI KAO.

 

Examinons maintenant les points retenus. Et commençons par celui, qui, pour moi a la charge émotionnelle la plus grande.

 

L'exécution des mutins

 

CHABI KAO affirme, « le samedi de Pentecôte (encore la Pentecôte) de l'année 1972, vers 21 heures et quelque, le Président MAGA nous appelle, nous ses ministres, que le Chef de l'État veut qu'on vienne au conseil des ministres... Au cours de ce conseil disons extraordinaire, auquel n'assista pas le Président APITHY, (ni ses ministres) AHOMADÉGBÉ, toujours selon CHABI KAO a révélé cette nuit-là, que « tous les avocats des condamnés à mort ont écrit pour demander la grâce présidentielle, pour commuer la peine de mort en peine temps, c'est-à-dire à perpétuité (soit dit en passant : une peine à temps n 'est pas une peine à perpétuité). Mais de ne pas les exécuter, et que, lui, il a réuni pendant plus de trois jours son staff politique pour dire « qu'est ce qu'on fait ? On gracie ou on exécute ? » Et tous on dit : « on exécute pour donner l'exemple ». Sacré CHABI KAO!!!

 

On a le souffle coupé en lisant ces propos de CHABI KAO. Non Pascal, c'est trop gros. Jamais mythomanie n'aura atteint ce degré d'affabulation. Je suis, à n'en point douter, du staff d'AHOMADÉGBÉ. Je me vante d'être son collaborateur le plus proche, le plus au fait de tous ses secrets. Je sais ce que lui même a dit un jour à DAGANDJI qui hésitait à lui faire une confidence en ma présence. Il a exactement dit à DAGANDJI, en fon. « Parle sans crainte, ce jeune homme est mon « dôvo », c'est-à-dire mon caleçon, en termes imagés, le détenteur de mes secrets. Eh bien j'affirme solennellement (pas la solennité à la CHABI KAO), que jamais nous n'avons évoqué en quelque staff que ce soit, l'exécution des mutins. Jamais je n'ai participé, surtout pendant trois jours, (tout de même), à des réunions pour parler de l'exécution de ces condamnés. Non, Pascal, comment AHOMADÉGBÉ aurait-il eu la moindre velléité de faire exécuter Lucien GBOHAÏDA GLÈLÈ ? C'est seulement inimaginable. Connais-tu Abomey, ses mœurs, ses coutumes ? Lucien GBOHAÏDA GLÈLÈ est prince d'Abomey, issu du roi GLÈLÈ, fils de GUÉZO, lequel est frère de TOMÈTIN, tous deux fils d'AGONGLO. As-tu jamais entendu un prince exécuter un autre prince ? Les palais d'Abomey sont, comme toutes les cours royales, des lieux d'intrigue. Mais on n'y assassine pas des princes.

 

Et puis Pascal, tu ne connais certainement pas Joseph GBOHAÏDA GLÈLÈ, oncle de Lucien. C'était le garde-corps d'AHOMADÉGBÉ, tué par lapidation devant l'hôpital de Porto-Novo, à cause d'AHOMADÉGBÉ. Alors ! Pour remercier (outre tombe) Joseph GBOHAÏDA GLÈLÈ du sacrifice de sa vie, pour la cause de l'U.D.D, AHOMADÉGBÉ irait tuer son neveu ? Quelle horreur !

 

Je vais être très économe de mots sur cette affirmation calomnieuse. Je voudrais même ne pas évoquer cette page triste de l'histoire personnelle de Lucien parce que, une fois encore, je sais, pour l'avoir vécue le 10 Décembre 2011, en l'église Saint Michel de DJÈGBÉ où Lucien rendait grâce à l'occasion du 30ème anniversaire de la mort de son père, oui je sais et j'ai vécu toute la charge émotionnelle de ce jugement qui condamnait à mort Lucien GBOHAÏDA GLÈLÈ. Je n'en dirais pas plus. La politique n'est pas un jeu d'enfant. On ne badine pas avec elle. Oui elle est cruelle, très cruelle par moment.

 

Et puis Pascal CHABI KAO, un conseil des ministres, ou du moins une concertation entre l'équipe de MAGA et comme tu le dis : «AHOMADÉGBÉ était là aussi avec tous ses ministres et certains gars de son parti politique» au Palais de la République, en l'absence de son cabinet : puisque c'est de toi, pour la première fois que j'ai cette affirmation, non vraiment Pascal, c'est trop gros ce mensonge. Et puis encore, alors qu'AHOMADÉGBÉ est venu pour décider de l'exécution des condamnés, c'est encore toi qui réussis, malgré la présence de tout le staff d'AHOMADÉGBÉ, favorable à l'exécution, comme tu le prétends, à l'ajourner. Tu dois être un personnage extraordinaire pour avoir tant d'influence.

 

Une autre affirmation de CHABI KAO

 

« Pendant que KÉRÉKOU, BABA-MOUSSA et moi, on était en train de concocter ce coup d'État, moi je ne savais pas que le Président AHOMADÉGBÉ a appris et il a appelé ASSOGBA, ALLADAYÉ et AÏKPÉ, les « 3A » et il leur dit : « les « KAÏ-KAÏ » veulent me renverser pour mettre MAGA en place. Il faut les prendre de vitesse. Il leur a dit, c'est très simple, ils veulent faire un coup d'Etat, nous allons faire le nôtre, mais ce sera un coup d'Etat de Palais... Vous viendrez au Palais, vous allez nous prendre et vous allez dire que c'est un coup d'Etat de Palais... »

 

II faut croire que CHABI KAO était témoin de l'entretien secret entre AHOMADÉGBÉ et les « 3A », pour en savoir tant. Ce récit naïf, qui est une médisance, frise la bêtise et c'est encore une preuve de la mythomanie, dont souffre CHABI KAO. A y réfléchir de près, je crois que la mythomanie, CHABI KAO la vit à la manière de Clappique, un personnage du roman de Malraux : La Condition Humaine. Dans ce roman, Clappique est un personnage qui vit de manière permanente dans le mensonge. Il est dit de lui : « Une des principales activités de Clappique consiste à raconter des histoires bizarres, féeriques, aux péripéties étranges... Il vit réellement dans un monde imaginaire et souvent les histoires qu'il raconte le mettent en scène lui-même, ou du moins il s'assimile aux héros qu'il invente ». Comme chez Clappique, à y regarder de près, le mensonge a, chez CHABI KAO, une dimension et une signification métaphysiques. «Sa mythomanie est un moyen de nier la vie, de nier et non pas d'oublier». Oui, CHABI KAO a besoin du mensonge pour exister, pour se faire valoir, pour se donner une image de pureté, tellement sa vie durant, il a pataugé dans la boue. Laissons donc CHABI KAO à ses turpitudes.

 

Mais nous n'accepterons jamais, oui jamais, qu'il prête à AHOMADÉGBÉ des propos désobligeants comme l'expression « KAÏ-KAÏ ». Pendant plus de 40 ans de compagnonnage avec AHOMADÉGBÉ, je ne l'ai jamais entendu tenir ce genre de propos. Sa proximité, sa familiarité avec les frères du Nord, l'amitié qu'il n'a cessé de leur témoigner, lui interdisent de tels propos. Ils sont combien, quand ils arrivent à Cotonou, à prendre hospitalité chez lui, à être reçus à sa table. Et puis Pascal CHABI KAO a peut-être oublié que le principal collaborateur du Président AHOMADÉGBÉ, un certain Antoine DÉTCHÉNOU est fils de « KAÏ-KAÏ » puisqu'il a pour mère une peulh, une « KAÏ-KAÏ» dont le fils Antoine est en parfaite adéquation avec l'expression « KAÏ-KAÏ », pour avoir mené, déjà à 7 ans en compagnie de ses cousins, au pâturage, les troupeaux de l'oncle AROUNA, comme berger, muni de son bâton avec le cri caractéristique d'où les FONS ont tiré l'expression « KAÏ-KAÏ » onomatopée qui d'ailleurs varie d'une région à l'autre. Nous, derrière notre troupeau, le cri était « KOURLOU-HO ». Tu vois, CHABI KAO, l'ancien berger devenu vieux a encore de la mémoire.

 

Le rappel de cette expression « KAÏ-KAÏ » répond au réflexe régionaliste de CHABI KAO. Il s'agit d'entretenir chez ses compatriotes cette haine du FON sur laquelle il a fondé toute sa pauvre doctrine politique. A l'analyse, ce passage de l'exposé de CHABI KAO est une grossière invention. J'ajoute que si le prétendu complot « concocté par KÉRÉKOU, Baba Moussa et moi » (CHABI KAO dixit), si ce prétendu complot a été éventé comme le prétend CHABI KAO, AHOMADËGBÉ aurait tout simplement arrêté les comploteurs. Il en avait les moyens. Du reste, un seul groupe militaire, à ce moment, avait les moyens d'organiser un coup d'État. C'était le Groupement d'Appui de Ouidah qui a opéré le 26 Octobre 1972.

 

Une dernière affirmation de CHABI KAO : L'Affaire Covacs : Un Montage Politique

 

« Je vous avoue solennellement ce soir, qu'il n'y a pas eu « d'affaire COVACS » avec moi CHABI KAO». Il y a eu le « dossier COVACS » qui est un montage politique que nous avons mis en place pour renverser le Président AHOMADÉGBÉ, parce que nous étions à deux doigts d'une guerre civile entre le Nord et le Sud. Je le révèle aujourd'hui. Vous pouvez demander aux collaborateurs d'AHOMADÉGBÉ qui sont encore là ».

 

Fausse prémisse d'un argumentaire débridé, mensonger, incohérent, sans aucune valeur historique.

 

Tu prétends, Pascal, qu'une guerre civile était imminente, et ceci sur la foi des services de renseignements. Mais, à partir du 8 Mai 1972, les renseignements généraux dépendaient directement d'AHOMADÉGBÉ. Toutes les fiches de renseignements passaient d'abord par mon bureau. C'est moi qui les recevais, les dépouillais, les analysais pour en faire immédiatement le compte rendu au Président. Aucune fiche n'a parlé de l'imminence d'une guerre civile, d'une rébellion en préparation au Nord. Et pourquoi le Nord se soulèverait-il contre AHOMADÉGBÉ ? Médecin, il a commencé sa carrière à Tchaourou, comme la plupart des cadres du temps : Gabriel LOZÈS : médecin à Natitingou, Michel AHOUANMÈNOU instituteur à Kandi, AHOYO Paulin : instituteur à Parakou, YAHOUÉDÉOU Ignace : instituteur à Guéné (Pays des moustiques), Karl AHOUANSOU, à Savè etc. Oui tous ces jeunes cadres du temps ont fait leurs premières armes dans le Nord, avec une conscience professionnelle tout à leur honneur. Alors est-ce pour avoir servi ses frères du Nord que CHABI KAO en veut à AHOMADÉGBÉ ?

 

AHOMADÉGBÉ a créé un parti qu'il a voulu creuset de l'Unité Nationale. Ce parti est le seul, disons-le avec fierté, qui ait rassemblé tous les fils du pays du Sud au Nord : Mohamed BATOKO, BOUROU Barthélémy, Saka N'GOBI Frédéric, grand prince Bariba, CHABI Gabi, Roger LAFIA, Rouga SOUAÏBOU, Mahambi BAPOUMI, M'PO Tchena MOUYORE, TIANDO Fidèle, BOULGA Antoine, Adam BURO, bref, des fils du Nord, « vraies pièces d'origine », par opposition aux descendants d'anciens garde-cercles que l'administration coloniale a implantés au Nord. Ce sont eux, ces fils de garde-cercles, n'hésitons pas à le dire, regroupés par le commandant de Cercle, PEPERTI, sous la dénomination : « Groupement ethnique du Nord », ce sont eux qui, plus royalistes que le roi, ont inoculé le virus de la division au Nord pour asseoir leur mainmise sur la région et ont suscité la haine du Fon, la haine du Sudiste. Mais ces fils authentiques du Nord ont résisté au microbe de la division puisqu'ils étaient tous, vivants, et ont répondu présents au congrès de l'U.N.D à Ouidah en Avril 1991. Ils étaient presque tous au praesidium ; c'était le vrai retour des « dinosaures ». Ceux là passaient pour des traîtres aux yeux des nouveaux «Aristocrates » du Nord, fils d'anciens garde-Cercles (voltaiques, sénégalais, etc.).

 

Non ce n'étaient pas les militants de l'U.D.D qui allumeraient la guerre civile. Au fond, avaient peur de l'arrivée d'AHOMADÉGBÉ tous les malpropres qui savaient qu'ils ne resteraient pas impunis si jamais ils étaient auteurs de malversation. Oui CHABI KAO en évoquant le spectre d'une guerre civile imminente pensait qu'AHOMADEGBÉ allait rééditer le coup du 13 Mars 1964, « lorsque CHABI Marna a allumé le feu de la rage raciste et régionaliste » C'est à ce sujet que la lumière a été faite sur les détournements du régime MAGA. Nous lisons dans un discours du 13 Mars 1964 les informations suivantes:

 

*    MAGA a détourné sur le fonds routier 3.388.321 francs pour aménager sa villa à Parakou construite avec les matériaux du ministère des travaux Publics. Il s'est fait vendre à Cotonou un terrain sis à la zone résidentielle de 10.250 mètres carrés à 1.780.000 francs au lieu de 12 Millions... 

 

*    AROUNA Marna a détourné plus de 50 tonnes de ciment et de matériaux sur le compte de l'armée pour construire sa belle villa de Parakou, et a utilisé abusivement l'avion et les camions de l'État pour transporter à Parakou les matériaux de construction. 

 

Nous passons sous silence d'autres personnalités du Sud et du Nord impliquées dans ces détournements.

 

CHABI Mama avait prétexté de l'incarcération de MAGA et d'autres fonctionnaires impliqués dans ces détournements pour déclencher le 12 Mars 1964 un vaste mouvement de subversion contre la sûreté de l'État, contre l'autorité de l'État, menant une guerre fratricide et tribale. Ainsi, les Dahoméens originaires du Sud et résidant à Parakou sont molestés, blessés et pillés....»     CHABI KAO pensait-il rééditer la révolte de CHABI Marna ? Alors évidement il doit craindre et haïr AHOMADÉGBÉ.

 

Une idée me vient à l'esprit en rappelant ce passé. CHABI KAO dit dans son exposé : « A plusieurs reprises, trois fois de suite, il m'a apporté 100 millions de F CFA. Je lui ai dit non. Je lui ai dit que moi je suis du Nord. Je ne mange pas ce pain là. On ne m'achète pas ». Je ne voudrais pas polémiquer. Mais je voudrais simplement dire que CHABI KAO, en faisant de telles affirmations, est si peu crédible qu'on a plutôt envie de rire. Le Nord n'a pas le monopole de la vertu. Les exemples cités plus haut et d'autres qu'on aurait pu évoquer ici sont assez éloquents. La corruption est de tous les temps, de toutes les régions, de toutes les ethnies. Elle n'épargne personne et il faut beaucoup de vigilance pour ne pas être atteint par ce virus et surtout pour ne pas l'inoculer à l'autre. Et cela, parce que l'homme, sous tous les cieux, est un être de péché, faible et précaire, il reste toujours « homme » petit « h », s'il ne fait pas l'effort de s'élever ; il ne sera Homme, avec grand « H », que s'il se laisse transformé par la grâce irradiante du Ressuscité.

 

Alors Pascal, ta guerre civile, encore une illustration de ta mythomanie.

 

Mais je voudrais ici me permettre une digression. Pascal, peux-tu me faire un compte des Dahoméens, des Béninois qui sont le fruit d'une union d'un sudiste et d'une Nordiste ? C'est ce « métissage » ethnique dont le plateau d'Abomey a été la plus belle illustration qui a été réédité. Oui, Pascal, mène une enquête dans toutes les familles princières ou pas d'Abomey, va à Covè, va à Ouidah et enquête dans les grandes familles (QUENUM, AGBO, DOSSOU-YOVO, ADJOVI), pour ne citer que celles-là ; prolonge à Porto-Novo et fais tes comptes. Puis retourne à Parakou. Peux-tu me donner un seul exemple d'un couple bariba-somba ? Dis-moi, comment expliques-tu ce phénomène ? Ce mépris du bariba pour le somba est atavique. Cela explique peut-être pourquoi tes relations ne sont pas bonnes avec OUASSA. Tu sais, tu es un homme comme tous les hommes. Sais-tu à quel niveau, à quelle profondeur se situe, dans notre subconscient, la nappe d'images et de sentiments d'où jaillissent nos moindres réactions, même les plus anodines ? Alors, Pascal CHABI KAO au lieu de vouloir susciter une guerre civile entre le Nord et le Sud, va plutôt demander aux baribas de se réconcilier avec les Sombas.

 

Je finis en revenant à l'affaire COVACS. Je répondrais pour dire simplement que ce que le journaliste appelle pompeusement « des troublantes révélations », n'est, à l'analyse, qu'un tissu de contre-vérités, d'anachronisme, de grandes confusions, avec cet art du faux dans lequel excelle CHABI KAO. La vérité c'est que Pascal CHABI KAO a voulu se donner une certaine virginité, au soir de sa vie, il a voulu se laver d'un opprobre qui a entaché sa vie et qui, qu'il le veuille ou non l'accompagnera jusque dans sa tombe. On ne refait pas l'histoire mon cher Pascal. Le fait historique est unique, inédit ; nous l'avons appris en classe de philosophie. On ne refait pas une histoire comme l'affaire COVACS, au cœur de laquelle se trouve Pascal CHABI KAO. Ce dernier affirme sans pudeur, et il le dit avec gravité « Je vous avoue solennellement ce soir, qu'il n'y a pas d'affaire COVACS avec moi CHABI KAO. Il y a eu le dossier COVACS qui est un montage politique que nous avons mis en place pour renverser le Président AHOMADÉGBÉ, parce que nous étions à deux doigts d'une guerre entre le Nord et le Sud ».

 

J'ai eu honte en lisant cette déclaration mensongère, honte qu'un homme de mon âge que je croyais respectable, malgré tout ce que je savais de lui, oui honte qu'un vieil homme comme moi ait pu sortir une telle énormité, car qui peut, raisonnablement, nier dans ce pays l'existence d'une affaire COVACS pour laquelle CHABI KAO a passé 3650 jours de détention. L'affaire COVACS n'a jamais été un montage politique, œuvre de CHABI KAO. L'affaire COVACS est une escroquerie et une prévarication au centre de laquelle se trouve le Ministre des Finances de l'époque : Pascal CHABI KAO et une autre personnalité souvent citée dans le document de CHABI KAO. Pour s'en convaincre, il suffit seulement de se référer à l'important rapport écrit de l'Inspecteur des Finances du temps : Nicéphore SOGLO. Il y a aussi les « conclusions » de maître Adrien HOUNGBÉDJI, avocat de maître Bertin BORNA. Ce sont les deux documents qui établissent la réalité de l'affaire COVACS. CHABI KAO ne refera pas l'histoire. Quel est donc ce montage politique dont l'auteur est la victime, puisque CHABI KAO, encore une fois, passera dix ans de sa vie sous les verrous. CHABI KAO est-il masochiste à ce point pour monter une affaire qui le fera souffrir et au bout de laquelle, contraint, il donne sa démission de Ministre des Finances. De cette démission présentée le 26 Octobre 1972, en Conseil des Ministres, CHABI KAO n'a jamais rien dit. Nous publions cette lettre de démission qui coupe court à toutes les élucubrations de CHABI KAO. Aussi, nous ne nous attarderons pas à démontrer le mensonge grossier de CHABI KAO. De même nous rendons public un rapport inédit en date du 25 Octobre 1972, établi par le Directeur de Cabinet d'AHOMADÉGBÉ, de retour d'une mission à Abidjan auprès du Président Houphouët-BOIGNY.

 

Et je laisse ici CHABI pour pousser une lamentation. Quand j'ai découvert, il y a un mois dans les archives du Président AHOMADÉGBÉ, cette lettre de démission de CHABI KAO dans la même chemise que le rapport que je lui ai fait de ma mission, le 25 Octobre 1972, et dont je ne me souvenais plus, je fus bouleversé et perclus de douleur et de chagrin, non pas pour CHABI KAO, mais pour Michel, Michel AÏKPÉ. En revivant toute cette époque, j'ai mis en sourdine l'accusation que, dans notre milieu nous avons toujours portée sur lui : le traître. En vérité, il a trahi. Mais savait-il où cela le conduisait ? Il tenait à ce que le Président AHOMADÉGBÉ renvoyât CHABI KAO du gouvernement. Il lui avait dépêché pour cela le 26 Septembre 1972 son ami AGBANNON Barnabé pour faire pression. Il était impatient de voir partir CHABI KAO, dont la présence au gouvernement polluait l'ambiance politique et paralysait l'action gouvernementale. Oui, comment expliquer que le jour même où enfin CHABI KAO démissionnait, lui et ses camarades ASSOGBA et ALLADAYÉ aient réalisé leur coup d'État, et que le malheur les conduisit à désigner KÉRÉKOU à leur tête. La suite de cette histoire, nous la savons tous.

 

Oui, Michel, j'ai simplement compris que tu préparais ta rencontre avec le Destin, et c'est criblé de 40 impacts de balles que cette nuit du vendredi 20 Juin 1975, à 20 heures, tu allas frapper à la porte du Destin.

 

« Si je savais » c'est le dernier cri à travers les âges. Oui, Michel, si tu savais que le coup du 26 Octobre te conduirait là, l'aurais-tu réalisé ?

 

Me vient à l'esprit ce commentaire d'un chroniqueur de R.F.I, après la mort de KADHAFI, commentaire ponctué de ce leitmotiv :

 

Tout ça pour ça... !

 

 

 

Lettre de Démission de Pascal Chabi Kao

 

Cotonou, le 26 Octobre 1972

 

 

 

Pascal Chabi Kao

 

Ministre des Finances B.P.. ..COTONOU

 

A

 

Monsieur le PRÉSIDENT Du Conseil Présidentiel

 

A

 

Messieurs Les MEMBRES Du Conseil Présidentiel

 

Monsieur Le PRESIDENT du Conseil Présidentiel,

 

Messieurs Les MEMBRES du Conseil Présidentiel

 

Je viens par la présente vous donner ma démission du Gouvernement que vous dirigez pour compter de ce jour 26 Octobre 1972.

 

Mon départ volontaire de l'équipe gouvernementale actuelle n'est nullement motivé par une fuite devant mes responsabilités encore moins par une capitulation face à l'adversité, bien au contraire.

 

Je quitte le gouvernement pour vous permettre à vous et au pays tout entier de découvrir les véritables ennemis du Conseil Présidentiel et de la Nation. Je démissionne également pour être plus libre et plus disponible pour la lutte que chaque Dahoméen devra mener sans répit pour la stabilité politique et la promotion économique de notre pays. Je quitte enfin parce que je commence par me sentir un peu fatigué et suffisamment blessé.

 

Comme vous le constatez donc, Messieurs les Présidents, ma démission ne résulte d'aucune pression extérieure quelle qu'elle soit ni d'où qu'elle vienne.

 

Ma résolution de partir du gouvernement ne date pas d'aujourd'hui et je l'avais déjà laissé entrevoir dans ma conférence de presse quand, en réponse à un journaliste, je disais que j'étais le seul juge de ce que j'aurais à faire et du moment où je devrais le faire..

 

Pour finir, je voudrais vous assurer, Messieurs Les Présidents du Conseil Présidentiel, vous et le Gouvernement tout entier, que, bien que démissionnaire, je suis et je reste mobilisé avec vous pour la défense des intérêts supérieurs du Dahomey.

 

Avec toutes mes considérations déférentes.

 

Pascal CHABI KAO

 

 

 

Cotonou le 25 Octobre 1972

 

RAPPORT DE MISSION : UN MESSAGE DU PRÉSIDENT HOUPHOUËT

 

J'ai cru bon de remettre au propre les propos du Président HOUPHOUËT que j'ai recueillis. Je vous propose de relire à tête reposée, dans la plus grande quiétude, ces propos qui sont l'expression d'une affection certaine et d'une amitié authentique.

 

Lire et réfléchir avant de prendre les décisions qui s'imposent. Je me propose de vous faire quelques suggestions dans l'immédiat.

 

- Quelques notes prises pendant la conversation avec le Président HOUPHOUËT

 

Premier Entretien

 

Sur position du Président MAGA.

 

§  Volonté délibérée de compromettre le Président AHOMADÉGBÉ

 

§  Affaire du prêt Ivoirien ;

 

§  Fait de n'avoir pas jugé les conjurés pendant son mandat

 

Tout ceci est fait pour condamner AHOMADÉGBÉ et montrer ainsi son incapacité à gouverner. Il s'agit de salir la mémoire d'AHOMADÉGBÉ, parce qu'AHOMADÉGBÉ est installé au milieu de la pourriture.

 

Il faut qu'il ose ou alors qu'il se retire

 

§  Proximité de l'arrivée de POMPIDOU. . Tout est en lui-même. Dans la mesure où il accepte de se battre, le concours matériel et moral peut lui parvenir.

 

« On ne confie pas la garde des vaches à celui qui ne peut pas garder une poule » Proverbe

 

*    A propos du départ de CHABIKAO.

 

Si MAGA refuse, il se condamnerait. Donc l'occasion est bonne de demander que la mesure s'étende à tous les corrompus. A l'extérieur, on ne connaît que le chef du gouvernement, on connaît un régime. C'est AHOMADÉGBÉ le chef; s'il dit : « Je ne commande pas » il se condamne.

 

Il faut qu'il soit ferme et redresser la situation avec une équipe qui inspire confiance.

 

Il est au bord du gouffre ; la plus petite hésitation peut conduire à la catastrophe (Rappel de ce que disait le Président AHOMADÉGBÉ en invitant le Président HOUPHQUET à sortir de sa réserve pour intervenir dans la situation politique Dahoméenne).

 

Fort de cet appel, renouvelé par votre arrivée providentielle, je lui dis qu'il n'y a pas une minute à perdre. Il faut oser. Je lui dis : « Si tu n'arrives pas, tu te retires dans la dignité, mais dans la satisfaction du devoir qu'on t'a empêché d'accomplir. Et tout le monde te respectera et tu pourras être un recours, ne serait-ce que sur le plan des conseils. Les ministres n'ont pas ta confiance et tu n'as pas la leur, parce que vous n'évoluez pas sur le même terrain, parce que, eux, ils veulent anémier l'Etat... »

 

Le pouvoir n'est pas une fin, mais un moyen de servir. Si on est privé de moyens, le pouvoir ne sert plus à rien.

 

Deuxième entretien

 

II faut que nous aidions notre ami à se retrouver tel qu'il est ; aujourd'hui, il n'est plus tel qu'il est : il pratique une politique de soumission. Il ne faut pas qu'il devienne une boîte à lettres.

 

II ne faut pas décevoir le Dahomey et ses amis de l'extérieur dont je suis.

 

Aucun concours ne peut être bénéfique sans un assainissement de la situation, si la situation politique devrait changer peu après.

 

Il faut tenir le taureau par les cornes

 

C'est le moment plus que jamais, à l'approche de l'arrivée de POMPIDOU, d'avoir la situation en main. Aujourd'hui, je ne peux pas dire au Président POMPIDOU que c'est un régime solide qu'il faut soutenir. Les renseignements venant de Paris disent que tout le régime est instable et on parle d'un retour de ZINSOU.

 

Il faut mettre fin à tout cela et c'est l'occasion d'être ferme.

 

Il faut convoquer MAGA et APITHY et leur dire : « Je veux remanier le gouvernement, je me propose de changer les miens.

 

On ne peut pas abattre l'entourage sans atteindre le chef.

 

(Exemple : TSIRANANA, on lui demandait de changer ses ministres. Son refus entraîna sa chute.)

 

L'union n'existe pas entre les trois Présidents ; il n'y a pas une politique du régime. La situation du Président AHOMADÉGBÉ est celle d'un chargé d'expédition des affaires courantes, et quelles affaires ? De sales affaires.

 

Non, ce costume ne lui va pas.

 

Se ressaisir. Ce n'est pas l'entourage, c'est le responsable qui doit se demander « Est-ce que je réponds à l'intérêt du Pays. Est-ce que je dois devenir complice d'une politique de corruption et de démission ?

 

J'attends sa réponse dans la semaine. C'est des choses que je voulais lui faire connaître et votre venue est très opportune. Cela doit déboucher sur quelque chose. On peut l'aider à rester à la tête, mais ce n'est pas tout ; il faut que cela s'insère dans un ensemble.

 

En se débarrassant de tous les corrompus, il restera l'homme honnête qu'il est ; en ce moment l'aide peut lui servir.

 

CHABIKAO a dit : « Qui peut lui jeter la pierre ? » Cela veut dire que tout le monde est corrompu. Il faut qu'AHOMADÉGBÉ démontre qu'il n'a pas changé. Qu'il dise : « Depuis Mai, j'ai respecté mes engagements vis-à-vis du régime ; mais la situation oblige à opérer un changement ».

 

Demander au peuple, s'il veut un changement et lui demander le pouvoir de le faire. Le destin donne une occasion. C'est une chance qu'il faut saisir. MAGA est obligé de lâcher son ministre ou de se perdre avec lui.

 

S'il n'y a pas de changement, on va faire la conjugaison des condamnés.

 

Vider l'abcès : battre le fer quand il est chaud

 

1- Remanier le gouvernement

 

2- Pratiquer une politique d'austérité

 

3- Renoncer aux fonds secrets (on lui apportera l'aide qui lui permettra de renoncer à cela).

 

Antoine Robert DÉTCHÉNOU

 

Extrait des Mémoires de Jacques FOCCART

 

MAGA n'avait pas quitté la place de gaîté de cœur. Il avait demandé à HOUPHOUËT de l'aider à se maintenir au pouvoir. Sans succès. À la fin de mars, il a fait la même démarche auprès de moi. Je lui ai répondu très fermement qu'il était hors de question que la France soutînt un tel coup de force. «Alors, avait-il conclu, je m'effacerai, mais AHOMADÉGBÉ n'en aura pas pour longtemps. » Le pronostic était exact, mais on aurait pu le faire aussi bien pour MAGA s'il était resté.»

 

Jacques FOCCART parle

 

Entretiens avec Philippe GAILLARD, (Tome II), Page 202

 

Antoine Robert Détchénou

 


 

 

 

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