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MICROCREDIT AUX PLUS PAUVRES-5

 

                                                 III- SYNTHESE

Au terme de sa mission et à la suite de ses investigations, la commission a observé que le Programme de microcrédit aux plus pauvres (MCPP) apparaît comme un programme dont la conception et l’existence peuvent contribuer à répondre aux nombreux défis de survie des populations démunies et de lutte contre la pauvreté. L’engouement qu’il a suscité au sein de la population et l’effervescence qui l’entoure auraient pu constituer des indicateurs fiables quant à la réalisation des résultats attendus. Malheureusement, l’existence de nombreuses pratiques de mauvaises gouvernance et de mauvaise gestion constatée par la Commission constitue une véritable source d’inquiétude quant à la réalisation des objectifs du Programme et à l’utilisation efficiente des ressources mises à sa disposition. Malgré les différentes améliorations intro duites dans le programme depuis peu notamment l’élaboration d’un document de gestion du programme comportant les normes de gestion, la procédure de gestion financière, le dispositif de suivi, les conditions spécifiques de gestion et de prévention de risque et les actions innovantes ciblées pour corriger les insuffisances du programme, toute chose qui témoigne d’une certaine volonté de rendre le programme un peu plus crédible, des points d’ombre subsistent toujours. Ils sont multiples et de natures différentes.

1- De l’immixtion du Ministère dans la gestion du programme

Plusieurs faits et déclarations ont convaincu les membres de la commission sur la volonté du Gouvernement ou tout au moins du ministère de la Micro Finance à s’immiscer fortement dans la gestion du MCPP. Ces faits et déclarations sont de plusieurs natures notamment :

 L’ouverture du compte BCEAO

Le décret N°2008-513 du 08 septembre 2008 portant attributions, organisation et fonctionnement du Fonds National de la Micro finance (FNM), en son article premier, précise sa nature en ces termes : « le Fonds National de la Micro finance (FNM) est doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière » (confère annexe N°1). Malgré cette disposition qui rend autonome le FNM vis-à-vis du Gouvernement, ce dernier fait ouvrir le compte FNM-MCPP- ligne de crédit au nom du Fonds mais à l’insu de ce dernier. Les membres de la commission ont fait plusieurs observations quant au fonctionnement et à la gestion de ce compte.

a) Par rapport à la gestion du compte

L’arrêté ministériel qui organise la gestion de ce compte fait du Ministère de tutelle et du celui des finances les seuls gestionnaires et signataires du compte. A ce titre, les différents signataires de ce compte depuis sa création jusqu’à nos jours sont : Madame SAKINATOU, la Directrice du Trésor, Madame MADOUGOU (confère les annexes n°2) . Le Directeur Général du Fonds, premier responsable de l’institution au nom de laquelle le compte est ouvert, non seulement n’a été informé de son existence que bien plus tard mais aussi n’a aucune information sur les mouvements qui y sont effectués et ce, jusqu’en 2009 tout au moins. De même, le Conseil d’Administration du FNM, organe d’orientation n’a même pas été informé du projet d’ouverture de ce compte. Et pourtant, le Décret N°2008-513 du 08 septembre 2008 portant attributions, organisation et fonctionnement du Fonds National de la Micro finance, dote le FNM de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Qu’est ce qui peut donc amener le gouvernement à ne pas respecter les dispositions qu’il a lui-même prises ?

A cette question des membres de la commission, l’ancienne Ministre SAKINATOU a déclaré avoir fait exécuter les instructions de la haute autorité. Ces instructions qui sont soucieuses de la sécurité des ressources se justifieraient surtout par le montant des fonds (dix (10) milliard) et leur nature (fonds publics).

Le Directeur de Cabinet, Monsieur MORIBA Djibril Aliou a évoqué les mêmes arguments pour justifier la création du compte. L’actuelle Ministre Madame MADOUGOU, même si elle n’approuve pas les raisons évoquées affirme que ces mêmes raisons lui ont été données lorsqu’elle s’est rapprochée de « l’autorité » à ce propos.

En se basant sur ces déclarations, on pourrait être amené à croire que le Gouvernement est soucieux de la sécurité et de la bonne gestion des ressources publiques. Mais en analysant les différents budgets du Fonds National de Microcrédit et le collectif budgétaire du FNM pour l’exercice 2008, la commission a observé que les ressources allouées au FNM au titre de l’année 2008 sont de quatorze(14) milliards sur les vingt cinq (25) milliards de contribution de l’Etat. Ce constat a conduit la commission à déduire que le Fonds National de Microcrédit gère directement plus de onze (11) milliards de fonds publics à travers deux (02) comptes logés au trésor. Il s’agit du compte fonctionnement et du compte autres transferts. Il apparaît donc clair que le FNM gère des ressources même plus importantes que celles logées à la BCEAO. Ces ressources venant de l’Etat, sont des ressources publiques donc de même nature que celles logées à la BCEAO. De plus, les ressources gérées par le FNM sont logées dans les livres du trésor considéré comme la banque de l’Etat. La conclusion de la commission est donc claire. Cette implication directe et de fait des membres du Gouvernement dans la gestion des ressources du FNM à travers la délégation de pouvoir détenue par deux ministres (le ministre des finances et celle en charge de la Micro finance) ne tire son fondement ni dans l’importance des ressources ni dans leur nature ni dans leur origine ni dans leur sécurité.

La volonté du gouvernement d’avoir la main mise sur une bonne partie des ressources MCPP pourrait mieux justifier ce comportement. En effet, il peut arriver que les signataires du compte fassent des opérations pour des buts totalement étrangers aux activités du MCPP. Mais au-delà, ce comportement du Gouvernement met à mal la crédibilité et l’autonomie du FNM et pourrait entrainer des conséquences fâcheuses notamment :

La méfiance des partenaires à mettre des ressources à la disposition du FNM en faveur de la micro finance s’ils étaient informés de cette intrusion du Gouvernement dans la gestion de ces ressources ;

La possible utilisation des ressources mises en place au nom du FNM à d’autres fins.

b) Par rapport au fonctionnement du compte

A l’ouverture du compte FNM- MCPP-Ligne de crédit, des ressources complémentaires au fonds de crédit du MCPP y ont été logées dès le 1er avril 2008 soit dix (10) milliards de nos francs. Ces ressources, contrairement à la justification faite par le Gouvernement, sont restées non utilisées jusqu’en septembre 2008. Mais paradoxalement, alors que le FNM n’était pas encore informé de la création de ce compte, le 1er juillet 2008 la Banque Régionale de Solidarité (BRS) effectue un virement des remboursements perçus auprès des bénéficiaires sur ce compte au lieu du compte ouvert dans les livres du trésor par le FNM sur le quel les opérations de cette nature s’effectuaient (annexe N°5). Face à ce fait, les membres de la commission se sont alors posés la question suivante : comment et par qui la BRS a-t-elle été informée de l’existence de ce compte et qui l’a autorisée à y effectuer cette opération ? La réponse ne souffre d’aucun doute. Puisque les responsables du fonds n’étaient pas informés de l’existence de ce compte, ils ne peuvent en aucun cas donner des instructions à des structures pour opérer sur ce compte. La commission déduit que ces instructions ne peuvent donc être données que par les signataires de ce compte, c’est-à-dire le Gouvernement.

Cette situation montre clairement l’immixtion flagrante et grave du ministre de la micro finance dans la gestion des ressources du FNM qui s’apparente à une volonté du ministère de se substituer aux responsables du FNM.  Enfin, même s’il est tenu à la disposition des actuels responsables du FNM les mouvements effectués sur le compte, les seuls responsables et signataires de ce compte continuent d’être le Ministres des Finances et celui de la Micro finance. Cette situation est anormale et contre nature.

2- Du non respect de certaines dispositions organisant l’administration et le fonctionnement du FNM

a) La non mise à disposition à temps d’agent comptable de l’Etat Les ressources du fonds de crédit du Microcrédit aux plus pauvres (MCPP) sont des ressources publiques provenant des dotations des ressources de l’Etat. A ce titre, dès que l’Etat ou ses démembrements ont senti la nécessité de mettre à disposition des ressources publiques, ces dernières devraient être gérées par un agent comptable. Dans le cas du FNM et du MCPP, la commission a constaté qu’un agent comptable n’a pu être nommé et à titre d’intérimaire qu’après plus d’un an d’exécution dudit programme. Pendant ce temps, l’Etat a mis une dizaine de milliards de nos francs à la disposition de l’institution. Et pourtant le Gouvernement s’est dit soucieux de la sécurité de ces ressources.

b) Le non recrutement du Directeur financier

L’article 22 des statuts du Fonds National de Micro finance stipule : « la Direction Générale du FNM, outre le secrétariat particulier, dispose des directions techniques et cellules suivantes :
une direction des opérations ;
une Direction administrative et financière ;
une Cellule d’audit interne rattachée au Directeur Général. » (annexe N°7) Malgré ces dispositions des statuts adoptés en conseil des Ministres, le FNM a préféré se doter d’un Directeur administratif au lieu d’un Directeur administratif et financier tel que prévu par les textes. Cette attitude du Gouvernement parait peu compréhensible surtout quand on sait que la BOAD, dans les conditions préalables à la mise en place des ressources complémentaires sollicitées par le Gouvernement, a même demandé l’approbation par elle des curricula des directeurs financier et celui du directeur des opérations avant tout décaissement. Et pourtant, jusqu’en 2010, le FNM n’est pas encore doté de son Directeur Financier.

Les membres de la commission ont noté dans cette attitude du Gouvernement une volonté manifeste de priver l’institution des gardes four légales pouvant empêcher toute tentative de malversation, de manipulation et de gestion non rigoureuse des fonds publics ainsi mis en place.

c) Utilisation des fonds à des fins particulières

Pour l’année 2008, le Gouvernement a prévu dix (10) milliards f cfa comme fonds de crédit du MCPP, puisque les frais de gestion y afférents ont déjà été évalués à huit cent (800) millions, soit un taux de rémunération de 8% dans le budget général de l’Etat exercice 2008. Le Budget étant la prévision générale de l’Etat en matière de recette et de dépense pour une année, on peut donc comprendre que les besoins de l’Etat béninois pour le financement du MCPP pour l’année 2008 ont été entièrement pris en compte par le Budget Général de l’Etat exercice 2008 voté en décembre 2007 à hauteur de dix (10) milliards fcfa. Mais très curieusement, par deux (02) fois, au cours du seul mois de février 2008 notamment les 11 et 27, le montant du fonds de crédit du MCPP est passé de dix (10) à quinze (15) milliards et de quinze (15) à vingt (20) milliards fcfa. Plus surprenant (comme déjà évoqué un peu plus haut), ces fonds complémentaires ont été logés dans un compte spécial auquel le FNM, propriétaire et chargé de l’utiliser, n’a pas accès. La commission a vérifié si les besoins tel qu’évalués par le gouvernement à la date du 31 décembre 2007 ont évolué de manière drastique déjà quarante et un jours plus tard c’est-à-dire le 11 février 2008 pour nécessiter des augmentations extrabudgétaires. La commission a constaté qu’en cette période aucun partenaire stratégique ne se trouvait dans un besoin de financement puisqu’aucun d’entre eux n’en avait formulé la demande. Au contraire, les ressources affectées à ces partenaires stratégiques devraient leur permettre de couvrir les demandes des cibles réelles sur une période d’un an. Le fait que les dix (10) milliards soient restés oisifs, sans être utilisés du mois d’avril jusqu’au mois de septembre 2008 est une preuve éloquente de l’inexistence de besoin de ressources supplémentaires pour cette période.

Mais le plus surprenant est que les membres de la commission ont pris connaissance du rapport de l’étude commanditée par le Ministère de micro finance dans le but de déterminer les conditions et le mécanisme du renforcement des ressources financières du MCPP. Ledit rapport qui date de juin 2007, tout en planifiant les dotations en nouvelles ressources pour le fonds de crédit au profit du FNM pour une période allant de 2007 à 2012, a tiré une conclusion principale qu’il est important de rappeler ici. En effet, les conclusions de l’étude ont évalué les ressources à mobiliser par le Gouvernement sur une période de cinq ans à 11,096(annexe 7). Et pourtant, sept mois seulement après, ce montant est passé à vingt (20) milliards. Or c’est cette même étude qui a servi de document de base pour l’obtention des ressources complémentaires nécessaires au pilotage du programme sur cinq ans auprès de la BOAD.


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