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MICROCREDIT AUX PLUS PAUVRES-6

 

Mais le plus surprenant est que les membres de la commission ont pris connaissance du rapport de l’étude commanditée par le Ministère de micro finance dans le but de déterminer les conditions et le mécanisme du renforcement des ressources financières du MCPP. Ledit rapport qui date de juin 2007, tout en planifiant les dotations en nouvelles ressources pour le fonds de crédit au profit du FNM pour une période allant de 2007 à 2012, a tiré une conclusion principale qu’il est important de rappeler ici. En effet, les conclusions de l’étude ont évalué les ressources à mobiliser par le Gouvernement sur une période de cinq ans à 11,096(annexe 7). Et pourtant, sept mois seulement après, ce montant est passé à vingt (20) milliards. Or c’est cette même étude qui a servi de document de base pour l’obtention des ressources complémentaires nécessaires au pilotage du programme sur cinq ans auprès de la BOAD.

En l’absence d’une nouvelle étude mettant en cause les conclusions de celle qui a servi de base aux décisions importantes du programme, il est difficile de comprendre les critères qui ont permis au Gouvernement de faire une nouvelle évaluation des potentiels bénéficiaires et de nouveaux montants affectés au Programme. La commission est arrivée à la conclusion que les raisons réelles pouvant justifier ces augmentations ne sont ni les besoins exprimés des partenaires stratégiques ni la satisfaction d’un plan de gestion du FNM. Du détournement de deniers publics

a) Par rapport au compte BCEAO

Comme présenté un peu plus haut, les différentes raisons évoquées par l’ancienne Ministre de la Micro finance pour justifier l’ouverture du compte BCEAO notamment la nature des ressources, leur montant, leur sécurité et les « énormes besoins » des partenaires stratégiques se sont révélées à l’analyse non fondées. La vraie raison qui explique l’ouverture de ce compte a été évoquée par la Ministre SAKINATOU à trois reprises et à trois moments différents.

• Premièrement, répondant à une question écrite posée par le Député Jude Bonaventure LODJOU en 2008, la Ministre SAKINATOU, au nom du Gouvernement a déclaré : « les dotations nouvelles de montant total de 10milliards de FCFA sont logés dans le compte n°261 2200 B 00 06 0226 intitulé FNM-MCPP- LIGNES DE CREDIT ouvert à la BCEAO. L’option de son ouverture a été prise pour permettre que les dépôts qui y sont effectués génèrent des intérêts qui serviront à couvrir une partie des charges de gestion du FNM » (confère annexe N° 8 page 2)

• Deuxièmement, au cours d’une conférence de presse qu’elle a co-animée avec l’ancien Ministre des finances monsieur LAWANI le 23 septembre 2008 et répondant aux soit disant détracteurs du programme MCPP madame SAKINATOU a déclaré : « au trésor, le fond est bloqué dans un compte qui n’est pas rémunéré. Au niveau de la BCEAO nous pourrons bénéficier d’une rémunération en termes d’intérêt sur nos dépôts. A la date d’aujourd’hui les dix (10) milliards que nous avons placés à la BCEAO dans le compte que je vous ai indiqué ont pu nous apporter des intérêts à la hauteur de 400.000.000 fcfa ». (confère procès- verbal de transcription de reportage télévisé annexe N°9)

• Troisièmement, en répondant aux questions des membres de la commission parlementaire d’enquête le 20 février 2009 sur les raisons qui justifient la création du compte BCEAO, la Ministre SAKINATOU a déclaré que l’objectif est : « la recherche des intérêts de placement sur les fonds non utilisés par le FNM. Ces intérêts pourraient contribuer efficacement au financement du FNM. » confère annexe N°10 page 28. Plus loin, elle explique que « seul le compte ouvert à la BCEAO devrait procurer des intérêts au FNM au taux du marché monétaire. Ce compte étant un sous-compte du compte Trésor Public, les intérêts seraient calculés et versés dans le grand compte trésor. Nous avons saisi le Ministre des finances en son temps pour lui demander de calculer et de reverser les intérêts accumulés au FNM ». (annexe N° 11 page 33). Ces différentes déclarations de la Ministre responsable de l’ouverture montrent aisément que la principale raison qui a motivé le Gouvernement à ouvrir le compte BCEAO est la rémunération. Pour mieux comprendre et confirmer les faits évoqués, les membres de la commission ont sollicité et obtenu après moult réclamations le relevé du compte FNM-MCPP de la BCEAO.

A l’examen, les membres de la commission ont observé, à leur grande surprise, que le relevé du compte ne comporte aucune trace de la rémunération évoquée par madame la Ministre comme l’indique l’annexe n°12. Mieux, le montant de 400.000.000 n’apparait même pas dans le budget 2009 du FNM en produit.

En suivant la chronologie des faits et des déclarations, la commission a relevé qu’en mai 2008 madame SAKINATOU, au nom du Gouvernement, a justifié l’ouverture du compte par la rémunération faite à la BCEAO et a même donné le montant dont le compte a déjà bénéficié à cette date là. Quelques mois plus tard, précisément le 20 février 2009 devant la commission, la Ministre confirme cette déclaration.

Les membres de la commission ont observé que la Ministre, premier responsable du département ministériel chargé des micro finances et signataire du compte ne peut se permettre d’inventer des informations aussi graves surtout en ce qui concerne le montant dont a bénéficié le compte. Mieux, l’information a été donnée par la Ministre lors de la conférence de presse qu’elle a préparée et organisée. Pour ce faire, elle a dû prendre toutes les précautions, même celle de contacter la BCEAO afin d’avoir les derniers états de cette rémunération afin de donner à la presse et a la nation les informations les plus fiables surtout que les ressources ont été placées plus de sept mois plus tôt.

Plus important, ces déclarations ont été faites en présence du Ministre LAWANI, cadre de la BCEAO qui, au moment des faits était Ministre des finances, cosignataire du compte et destinataire de la lettre de demande de calcul des intérêts adressée par sa collègue. La présence du Ministre LAWANI et surtout le manque de désapprobation de sa part est une marque évidente de la confirmation des déclarations de sa collègue.

Quelques mois après le départ des deux Ministres du Gouvernement, l’étude du relevé du compte et du budget 2009 du FNM ne fait état d’aucune présence de cette rémunération.

La commission tire une conclusion à triple volets :

• Les 400.000.000 FCFA de rémunération du compte FNM ouvert à la BCEAO à la date de 23 septembre 2008 qui sont des ressources publiques, propriétés du FNM, ont été détournés.

• Ce détournement a pu se faire certainement avec la complicité de la Ministre SAKINATOU, du ministre LAWANI des finance ou son représentant qu’est le Directeur du Trésor et de certains responsables et ou agents de la BCEAO ;

• Un soupçon évident de pratique de Faux et usage de faux en écriture suivi de manipulation de documents comptables et bancaires pèse sur ces derniers.

b) Par rapport aux dépenses extra budgétaires

Au cours des années 2008 et 2009, le chef de l’Etat a effectué des visites de travail dans plusieurs communes de notre pays. Une bonne vingtaine de communes ont pu donc voir le Chef de l’Etat fouler leurs territoires. L’année 2010 voit le processus se poursuivre. Les messages délivrés lors de ces visites d’une commune à l’autre sont presque identiques et tournent autour des réalisations et des promesses de réalisation du Gouvernement dont les Microcrédits aux plus pauvres dans chacune des communes parcourues. Ces séances sont pour la plus part animées par les ministres du Gouvernement qui passent à la tribune pour présenter à la population les réalisations de leur département ou leurs projets de réalisation dans ces communes. Ces sorties, qui sont des activités du Gouvernement, constituent donc des tribunes de bilan et de mobilisation faites par le Gouvernement dans les communes. Mais au cours de ses travaux, la commission a observé que les dépenses liées à l’organisation de ces nombreuses visites du Chef de l’Etat et d’autres manifestations semblables ont été prises en charge par le FNM via les partenaires stratégiques. Dans la pratique, les partenaires stratégiques effectuent toutes les dépenses surtout celles liées à la logistique, au déplacement et à l’entretien des femmes bénéficiaires et se font rembourser par le Fonds National de Microcrédit. Ainsi, l’organisation pratique et les frais liés aux séances qui ont eu lieu dans les départements de l’Atlantique et de l’ouémé ont été prises en charge par le partenaire stratégique CCEC ; celles du Littorale, du Couffo, du Borgou et du plateau par la BRS (par l’intermédiaire des structures sous traitantes), celles du Mono par CERRIDA ; celles de l’Atacora et des Collines par CFAD et celles de la Donga par le partenaire DONGA WOOMEN.

Une fois les manifestations terminées, ces partenaires stratégiques devraient adresser les factures au FNM pour être remboursés. Ainsi, le FNM s’est vu régulièrement imposé des dépenses hors budget s’élevant à des centaines de millions de FCFA et dans le cas d’espèce, le FNM s’est vu imposé des dépenses de tournées gouvernementales donc de souveraineté du gouvernement.

Cette pratique qui aurait pu être assimilée à une erreur de parcourt a été presque légitimée par la commission Nationale de Coordination, d’Orientation et de suivi du FNM en sa séance du 03 octobre 2008. En effet au cours de cette séance, la Commission Nationale de Coordination, d’Orientation et de suivi a, dans sa résolution N°2 « autorisé le remboursement des frais engagés par les partenaires stratégiques dans le cadre des visites du chef de l’Etat aux bénéficiaires du MCPP avec les recommandations ci-après :

Mettre en place un système rigoureux permettant d’apprécier l’éligibilité des pièces justificatives des dépenses fournies par les partenaires stratégiques ;

Définir à l’avenir, une méthodologie permettant de valider le budget des partenaires stratégiques avant l’engagement des dépenses afin de limiter l’anarchie. » (annexe N° 13 page 3) Cette résolution, comme on le voit, non seulement légitime la pratique de prise en charge des dépenses liées aux tournées du chef de l’Etat mais tente même de l’organiser pour la pérenniser.


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