Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

MICROCREDIT AUX PLUS PAUVRES-9

 

 


  Une tendance à utiliser le programme pour évangéliser les demandeurs

De nombreux témoignages ont indiqué aux membres de la commission au cours des travaux que lors des séances de sensibilisation et de formation qui précèdent les mises en place des crédits, les femmes futures bénéficiaires ont été à plusieurs reprises soumises à des séances de prières au début et à la fin des séances. Mieux, le jour de la remise des crédits, de fortes séances de prières (de véritables célébrations religieuses) sont faites.

Au cours de ces séances, les bénéficiaires devraient répéter des textes de prière et faire la ferme promesse de réciter la dite prière chaque matin avant que les crédits, les trente (30.000) francs, ne leurs soient remis. En recoupant les témoignages, les membres de la commission ont observé que la plupart des femmes qui ont fait le témoignage proviennent des localités où les mises en place sont assurées par APHED- BAVEC, qui au départ était un sous traitant de la BRS avant de devenir un partenaire stratégique à part entière avec une plus grande responsabilité dans le Programme.
Interrogée par la commission, Madame KPEDE Victoire, responsable de cette structure, n’a pas nié le phénomène même si elle a tenté de le banaliser. Mais le Bénin étant une République laïque, la commission a estimé que ce faisant, Madame KPEDE Victoire utilise les ressources publiques pour obliger les femmes à se convertir à sa religion (église évangélique). Car, en considérant la situation de précarité, de nécessité et de dénuement que vivent les femmes qui sollicitent les crédits, on comprend aisément qu’elles n’ont ni la force ni la capacité de discernement nécessaire pour résister à cette évangélisation sous la couverture des Microcrédits aux plus pauvres.
Les membres de la commission ont, de façon unanime, relevé que cette pratique, qui se retrouve aussi de manière relativement légère au niveau de la CCEC, était un fait très grave porteur des germes de division des populations, d’affrontement et même de rejet du Programme ou tout au moins source de graves difficultés pour le programme. Choix inconséquent de certains partenaires stratégiques
En 2010 c’est-à-dire trois (03) ans après la mise en œuvre du Programme, près d’une vingtaine de partenaires stratégiques exécutent le Programme MCPP sous la direction du FNM. Si les partenaires stratégiques de la deuxième et de la troisième génération ont été recrutés en tenant compte tout au moins de leur capacité financière et organisationnelle, le recrutement des partenaires de la première génération n’en a pas tenu compte.
En effet, les dispositions qui organisent l’activité de micro finance au Bénin font de l’autorisation d’exercice donnée par le Ministère des Finances une condition sine qua non pour l’exercice de l’activité de micro finance au Bénin. Cependant, en organisant le recrutement des premiers partenaires stratégiques, le Ministère a défini des critères d’éligibilité pour le moins surprenants parce qu’omettant exprès la condition liée à l’autorisation d’exercice de la micro finance comme on peut le constater à l’annexe N° 16.
La première conséquence de cette situation est que l’Etat qui fait obligation aux structures demanderesse de se faire autoriser par lui avant d’exercer l’activité de micro finance au Bénin, recrute lui-même et pour la même activité et dans le même pays des structures qui ne remplissent pas les conditions qu’il a lui-même fixées. Et il est impossible de croire que les autorités du Gouvernement n’avaient pas conscience de cette forfaiture.

La preuve est que la commission mise en place pour le dépouillement et la sélection a été présidée par le Directeur de cabinet du Ministère de la Micro finance et avait en son sein le Conseiller technique chargé de la promotion de la micro finance, de l’emploi des jeunes et des femmes du Ministère de Micro finance et le Coordonateur de la cellule de suivi et de la surveillance au ministère chargé des finances comme membres. Il est donc évident que ces recrutements ont été faits en toute connaissance de cause tout en bravant les règles et pratiques qui organisent et gouvernent l’activité de microcrédit dans notre pays. La deuxième conséquence est qu’en agissant ainsi, l’Etat, par le biais des structures chargées de surveiller l’activité de microcrédit a fragilisé son autorité. La commission s’est demandé comment et en se basant sur quoi l’Etat pourrait sanctionner ou réprimer les structures indélicates ou celles qui décident délibérément de passer outre ses prescriptions ?

La troisième conséquence de cette situation est que bien des structures non autorisées par le Bénin mais qui remplissent les conditions de l’appel à candidature se sont vues sélectionnées et confiées la gestion de ressources colossales dépassant dans la plus part des cas, et de très loin, leur capacités réelles. Mieux, la plupart des structures autorisées et recrutées comme la CCEC et le CFAD étaient, au moment de leur recrutement, dans une situation financière et organisationnelle très critique comme l’indique le rapport de la Direction de supervision du Ministère des finances.(le rapport d’évaluation du FNM)

Comme on le voit, le fonds de crédit est donc confié à des structures dont la capacité financière et organisationnelle ne permet pas de gérer des ressources aussi importantes surtout quand on sait qu’il n’est pas prudent de confier à ces structures plus du double de l’encours de leur crédit constaté lors de leur soumission.

Le facteur aggravant ici est que le MCPP est un programme développant le crédit de masse donc à fort risque car, du fait de la faiblesse du montant de l’emprunt, ces institutions sont subitement confrontées à un nombre très élevé de clients (parfois plus de 20 à 30 et dans des cas, 50 fois du nombre de personnes gérées habituellement par elles). Cette nouvelle situation a suffisamment perturbé les bases organisationnelles déjà très fragiles de toutes ces structures. Même la BRS bien qu’étant une banque et s’étant retrouvée avec la moitié des ressources du programme n’a pas dérogé à ce constat parce qu’elle n’avait pas d’expérience avérée dans ce domaine et n’avait même pas une seule agence en dehors de Cotonou à l’époque. Et pourtant, l’Etat a jugé réaliste de confier la plus grande partie du programme à la BRS. Cette situation de non qualification des structures recrutées explique en partie les difficultés qu’a connu le Programme dans les premiers moments de sa mise en œuvre et même jusqu’à nos jours. L’Etat comme acteur primaire du MCPP
Depuis bientôt deux (02) ans, le PADME figure parmi les partenaires stratégiques de la deuxième génération recrutés pour la mise en œuvre du programme de Microcrédits aux plus pauvres. Or pour rappel, l’IMF qu’est le PADME est actuellement administré par le Gouvernement à travers la personne du Conseiller Technique à la promotion de la micro finance du Ministre en charge de la micro finance. Lorsqu’on sait que l’un des principes de base du MCPP est le « faire faire » et que l’Etat ne doit pas se mêler de la mise en place de crédit, on constate que, l’Etat lui-même transgresse les règles qu’il a établies et se positionne comme acteur primaire du microcrédit concurrençant des structures qu’il déclare promouvoir.

Du limogeage du Directeur Général ABOUBAKARI

En justifiant le limogeage de l’ancien Directeur Général, l’ancienne Ministre Madame SAKINATOU et le Directeur de Cabinet Monsieur MORIBA Djibril Ganiou ont évoqué deux (02) raisons fondamentales : la modification frauduleuse de la structure des salaires du personnel du FNM et les recommandations du rapport de vérification des activités du FNM
• Modification frauduleuse de la structure des salaires du personnel du FNM Les responsables du Ministère ont estimé que l’ancien Directeur Général du FNM a frauduleusement modifié la structure des salaires du personnel du FNM au niveau des contrats de travail qui avaient été déposés à la Direction Générale de Travail (DGT) En analysant les déclarations de tous les protagonistes, la commission a relevé qu’en tant que responsable d’une structure autonome, c’est le Directeur Générale du FNM qui, représentant l’employeur, a mené les négociations de salaire jusqu’à la hauteur aujourd’hui incriminée. Que le DG ne recueille pas le seau de l’autorité hiérarchique avant le dépôt final du dossier pourrait mériter une demande d’explication mais ne pourrait pas être justifié comme raison suffisante pour un limogeage surtout que le DG, depuis l’amont est l’auteur des propositions de contrat du personnel du FNM.
• les recommandations du rapport de vérification des activités du FNM La Ministre SAKINATOU a évoqué les résultats de la commission de vérification des activités du FNM comme élément fondamental ayant justifié le limogeage du DG ABOUDOU. En analysant les raisons évoquées par les uns et les autres et en étudiant le rapport produit par la mission de vérification, la commission a remarqué que la mission de vérification diligentée par le Ministère a finalisé son rapport le 25 juillet 2008 alors que l’acte de limogeage du Directeur Général date quant à lui du22 juillet 2008 soit trois jours avant le dépôt du rapport de la mission. Comment la ministre a pu alors se baser sur les conclusions d’un rapport qui n’existait pas pour prendre une décision aussi importante. En rapprochant les conclusions du rapport de la mission avec l’arrêté de limogeage du Directeur Général, la commission s’est rendue compte que le rapport a repris paradoxalement mot pour mot, les raisons évoquées dans l’arrêté du Ministre.

De même, la commission s’est rendue compte que la mission d’inspection n’a pas adressé son rapport à l’ex Directeur Général pour y apporter ses observations comme la pratique en la matière le recommande. Toute chose qui aurait pu remettre en cause l’objectivité et la crédibilité des conclusions qui y sont tirées. La commission, en tenant compte de toutes ces observations, a conclu que les vrais raisons du limogeage du Directeur Général sont ailleurs.

IV LES GRANDES CONCLUSIONS

Après l’analyse des déclarations recueillies lors de l’audition des personnalités politico-administratives et gestionnaires, les recoupements ainsi que les différentes interprétations, et suite aux investigations de terrain et à l’analyse des opérations de comptes et de gestion, les travaux de la commission ont révélé :

 L’immixtion flagrante et grave du gouvernement dans la gestion des programmes du Fonds national de Micro finance (FNM) notamment le MCPP ;

 Le non respect de certaines dispositions organisant l’administration et le fonctionnement du FNM ;

 Une tendance affichée du ministère à se substituer aux responsables du FNM dans la gestion des ressources financières de l’institution ;

 Le recours à des institutions de micro finance non autorisées par l’Etat ;

 La dissimulation d’information sur les vrais chiffres liés au nombre de personnes impactées et au taux de recouvrement

 Le recours à des institutions n’ayant ni l’organisation administrative, ni la capacité financière pour gérer les nombreuses ressources financières mises à leur disposition ;

 Une tendance à utiliser l’opportunité du MCPP pour évangéliser les demandeurs ;

 Une forte et dangereuse tendance à la politisation du programme ;

 Le détournement de deniers publics ;

 Une tendance à développer le clientélisme par le biais du programme ;  Une sélection volontairement peu rigoureuse des partenaires de la première génération

 L’utilisation des fonds de crédit au profit de la propagande politique du Chef de l’Etat

RECOMMANDATIONS

• Afin de garantir au programme son caractère impartial et républicain et tenant compte des expériences passées, la commission recommande :

Qu’aucune mise en place de crédit, en ce qui concerne le MCPP, ne doit se faire au cours du mois qui précède les élections, c’est à dire trente (30) jours avant la date du scrutin quelle que soit l’élection en République du Bénin,

Que les agents et collaborateurs des partenaires stratégiques surtout ceux qui sont chargés de la sensibilisation, de la mobilisation des bénéficiaires, de la mise en place du crédit et de son recouvrement ne soient ni responsables ou acteurs de propagande importants de partis politiques ni candidats aux élections,

Que les élus locaux, chefs village ou quartier de ville et chefs d’Arrondissement soient intimement associés à toutes les étapes liées à l’octroi du crédit notamment le choix des bénéficiaires, leur sensibilisation, leur formation, la mise en place du crédit et son remboursement ;

L’existence d’une structure indépendante d’observateurs locaux pouvant faire remonter aux autorités des partenaires stratégiques, du FNM et de la mairie, toutes les observations et informations liées à l’activité. Cette disposition favorisera un suivi pluriel et plus efficace

• Le MCPP étant conçu sur le principe du faire faire qui interdit à l’Etat de participer aux mises en place des crédits, le Gouvernement doit faire une option par rapport au PADME. En effet l’institution de micro finance PADME qui est devenue partenaire stratégique du Fonds National de Microcrédit est administrée depuis près de deux ans par le Gouvernement à travers la personne du conseiller technique à la promotion de la micro finance auprès du Ministre en charge de la micro finance. La commission recommande que l’actuel Administrateur du PADME nommé par le Gouvernement et qui est en même temps conseiller technique à la promotion de la micro finance auprès du Ministre chargé de la micro finance soit déchargé de l’une de ses missions puisque le PADME est désormais un partenaire stratégique chargé de mettre en place les crédits du MCPP. Car en tant que conseiller technique, il fait parti du cabinet ministériel donc interdit de participer à la mise en place des crédits du MCPP ce qu’il fait cependant aujourd’hui en tant que Directeur Général ou administrateur du PADME.

• Les statuts du FNM adoptés en conseil des Ministres du ont fixé l’organigramme du FNM ainsi que les postes pour les quels des cadres devraient être recrutés. Au nombre de ces postes figure celui du Directeur Administratif et Financier. Or le FNM a recruté un Directeur administratif. La commission recommande qu’en lieu et place du Directeur administratif, qu’un Directeur administratif et financier soit recruté et installé avec toutes ses prérogatives conformément aux statuts du FNM.

• Compte tenu des différentes observations faites sur le réseau des bénéficiaires, la commission recommande l’arrêt de cette expérience qui se révèle plus un instrument politique qu’un élément d’amélioration du programme

• En considérant les dispositions de la loi n° 2009-09 portant protection des données à caractère personnel en République du Bénin notamment les articles 32, 39, 41et 42 qui organisent les conditions de mise en œuvre des traitements des données à caractère personnel, la commission recommande la suspension de l’opération de la biométrie introduite dans le programme du microcrédit aux plus pauvres (MCPP) jusqu’à la réalisation des conditions posées par ces dispositions

• Après avoir étudié la nature des visites du chef de l’Etat dans les communes, la commission recommande que :

le FNM et les partenaires stratégiques se départissent entièrement et définitivement de l’organisation pratique, logistique et financière des visites du chef de l’Etat et d’autres manifestations semblables.
Le Gouvernement restitue au FNM les dépenses de cette nature déjà prises en charge par lui

• En évaluant l’injustice induite par la pratique de Dépôt à terme orchestré par certaines IMF, la commission recommande que les intérêts réalisés par ces derniers soient évalués et reversés sans délai au FNM

• Face aux nombreux cas de détournement détectés aussi bien au niveau du Gouvernement que des partenaires stratégiques, la commission recommande à l’Assemblée Nationale de prendre toutes les dispositions idoines afin d’approfondir les investigations et de faire prendre par les juridictions compétentes les mesures qui s’imposent.

Président : 1er Rapporteur :

Jude B. LODJOU                                  Augustin S. AHOUANVOEBLA

 

     

 

Les commentaires sont fermés.